Les années -bis-
C’est un récit qui se feuillette quasiment comme un livre d’images, égrenant des biographèmes assez éculés. Ce qui est caractéristique, c’est qu’Annie Ernaux fait disparaître le « je » dans un « on » collectif totalement fade. A certains moments elle conserve une certaine acuité dans le regard, mais ce choix stylistique et la posture de l’intellectuelle qui le motive diluent complètement son écriture. Un exemple : le 21 avril 2002. Annie Ernaux privilégie l’incrimination sur le mode de la responsabilité collective (qu’avons-nous fait pour en arriver là, mes pauvres gens ?). Ce moralisme plombe globalement tout le récit et plus généralement les derniers bouquins d’Ernaux -même dans Se perdre, un texte beaucoup plus abrupt, les signes de l’intellectuelle foisonnent-. Je pense que cette posture lui a fait perdre l’intensité d’écriture qui traversait ses premiers livres. L'intensité littéraire s'apauvrit quand la morale lui emboîte le pas.