Le temps qui reste (2004)

Que faire du temps qui reste, quand on se sait à coup sûr condamné ? Dans Le petit prince a dit, le poignant film de Christine Pascal, Richard Berry soustrait sa petite fille à l'acharnement thérapeutique. Il l'ouvre une dernière fois à la beauté du monde. Dans N'oublie pas que tu vas mourir, Xavier Beauvois choisit la solution destroy : drogue, sexe, engagement volontaire dans l'armée. Jacques Becker, lui, préfère la fange et construit un film insupportable (Deux jours à tuer) autour d'un personnage abject qui, pour ne pas se faire regretter, ne trouve rien mieux que d'envoyer chier sa famille (super).

Au début du film de François Ozon, on a tout cela en tête et on se demande quelle issue le réalisateur choisira pour le ténébreux Melvil Poupaud, qu'on n'imagine absolument pas habité de cynisme ou de ressentiment, tant il apparaît comme une figure belle et ténébreuse, dévorée par la fatalité. L'affiche nous livre déjà la clé de l'histoire : on y voit l'acteur torse nu, quasiment androgyne, un bébé contre le flanc, mi-Madone, mi-Christ, la tête affectueusement penchée vers ce qui lui survivra : un enfant. Jésus au tombeau, mais qui se serait consolé en procréant. C'est un des aspects du film. Pas le seul. On pense à surtout au Requiem de Fauré, "cette berceuse de la mort". On aurait pu imaginer cette musique habillant la dernière scène où Melvil Poupaud retrouve la matrice originelle, la mer, avant de s'endormir définitivement sur le sable.

C'est évidemment poignant, dénué de tout pathos, porté par des comédiens formidables (Jeanne Moreau, Valérie Bruni-Tedeschi, Melvi Poupaud). Que devient ce jeune trentenaire au soleil couchant ? Une ombre, presque un rocher tranquille, les yeux fermés sur l'infini.

Comments

[sylvie]

Pas vu ce film .. ton commentaire donne envie d' aller y voir de plus près !