Rain (Kirsty Gunn) -1994-

Dans les années 60, un monde inversé à proximité d'un lac démesuré : deux enfants de cinq et douze ans, fuyant leurs géniteurs immatures, se refugient dans un monde où l'eau jaillit de partout, jusqu'à engloutir. "Rain" est une chanson des Beatles, un des groupes qui égayent les soirées du couple. Mais la négligence de celui-ci jette leurs rejetons sur la route. Au bout de l'escapade, il ne peut y avoir qu'un danger, un immense et mortel danger, prévisible dénouement de ce récit tragique, mais qui vous serre le coeur. Le premier roman de Kirsty Gunn marche sur les pas de Colette, crée l'émotion à chaque page, nous prend dans les filets d'une écriture quasi hypnotique. Le drame se niche en creux, dans les plis de l'eau. On ne le révèlera pas ici. Il faut le deviner au fil de l'onde.

Extrait : "Ni ma mère ni mon père ne sortaient plus pêcher désormais. La pluie venait frapper la tasse en émail avec un infime bruit musical ; la pluie heurtait la tasse, la pluie la remplissait. Goutte après goutte, la pluie. S'il pleuvait suffisamment longtemps la tasse se remplissait à ras bord d'une eau renouvelée. Par delà la rivière la pluie tombait, arrivant de derrière les collines, la pluie. De la pluie dans l'eau, de la pluie sur les feuilles. De la pluie dégouttant des fleurs blanches des arbres à thé, de la pluie dévalant les rigoles boueuses qui sillonnaient la berge, de la pluie sur nos corps. Nous la laissions faire, nous la laissions nous recouvrir, le ciel pouvait pleurer. Mon petit frère renversa la tête en arrière pour offrir son visage aux derniers rayons de lumière et ferma les yeux. Sous l'eau il était transparent."