Féminin/Masculin.

Une très enrichissante conversation avec un vieil ami nous a conduit à dissocier ce que j'appellerais sommairement le rock masculin et le rock féminin. Les étiquettes sont très schématiques voire caricaturales, j'en conviens, mais il me paraît correspondre à ce qui est l'histoire de cette musique. En fait, nous sommes partis de Bruce Springsteen qu'il adore autant que j'aime les Beatles. Bon. J'avoue ne jamais être vraiment entré dans la musique du Boss, parce que justement ça me paraît trop viril, alors que dans le rock, ce que je recherche, c'est la sophistication. Alors,  certains me diront : "Tu es plus pop que rock". Plus que Beatles que Stones, en gros (la fameuse distinction). Oui, d'une certaine façon, je suis plus pop que rock. Springsteen me paraît trop brut de décoffrage pour recueillir mes suffrages. Je comprends la démarche de Born to run, par exemple. C'est d'une implacable logique : revenir aux sources même de ce que fut cette musique qui déchaîna la jeunesse des années 50. Ce qui prouve que, selon Sprinsgteen, quelque chose s'était perdu... ou tout au moins dilué. Il est vrai qu'en 1975, le rock s'est scindé en plusieurs courants : hard, glam, progressif... De ce point de vue, Bruce Springsteen tente de le régénérer en lui apportant sa touche à lui, tout en reconnaissant sa dette envers des gens comme Dylan (pour les paroles) et Orbison (pour la voix... même si "The Big O'" chante mieux, pour moi). Mais ça me paraît trop basique, de la même façon que tout ce qui vient après et tente aussi de retrouver la vérité du rock me paraît rudimentaire, plat, ennuyeux. Le punk, donc. Allez, on prend les Clash première manière, Wire et évidemment les Sex Pistols... c'est du bruit, c'est masculin au sens le plus négatif du terme : je montre que je suis un mec qui en a, je théâtralise mes performances (comme Iggy Pop avec les Stooges, quelques années auparavant) et je vous enrobe ça dans des morceaux qui ne dépassent pas les trois minutes, parce que, en gros, je m'aperçois tellement que ça tourne en rond et pas rond que ça ne vaut pas la peine de faire durer le plaisir. Donc, les punks, les Stones, Springsteen, Iggy Pop ("the godfather of punk") et puis les grunge, rock masculin. De l'autre côté, la sophistication, des Beatles à Radiohead : féminin. Les Kinks, féminin, même si "You really got me", masculin, mais bon... pffff, dans ce morceau la voix de Ray Davies me paraît élégante. Les Floyd, féminin, toutes périodes confondues. Tous ceux qui composent des morceaux "mille feuilles" dans les années 60/70 : féminin (McCartney avec "You never give me your money" ; John Miles avec "Music"; Queen avec "Bohemian Rhapsody"; Supertramp avec "The fool's overture"). Et la soul/funk dans tout ça ? Métissée, je dirais. A la fois féminine et masculine. Marvin Gaye, par exemple : "I heard it through the grapevine", ce sont les deux. Et le rap ? Masculin, parce que monodique. Pas ma musique du tout, donc masculin. Conclusion évidente : j'écoute tout à l'aune d'une distinction entre pop et rock et tout ce qui est en périphérie ne me paraît pas pouvoir être classé. Et ce que je n'aime pas, je le classe dans "masculin".