Rock'n'roll

Je pense qu'on devrait enseigner le rock comme une matière artistique à part entière. On l'étudie déjà dans certaines facs américaines, mais pourquoi pas au lycée ? Car cette musique constitue la plus importante des aventures populaires de la seconde moitié du vingtième siècle. Elle absorbe tant d'influences (littéraires, picturales, cinématographiques...) et elle exprime tant de la sensibilité des êtres humains qu'on ne peut en faire l'économie. Il me paraît aussi essentiel de savoir que la musique de Joy Division apparaît comme l'expression la plus poignante de la dépression économique en Angleterre ou de considérer que les Beatles ont condensé dans leur musique les mutations d'une décennie  que de gloser sur les circonstances de la naissance du Nouveau Roman. Toute forme d'art est issu d'un creuset où s'entremêlent la psychologie, la sociologie, la politique... il n'y a donc pas de hiérarchie à établir, au nom d'un soi-disant "mieux culturel". La jouissance ultime serait de mélanger toutes les formes d'expression artistique.

De plus, le rock n'est pas une musique d'analphabètes (même si, comme partout, les crétins existent) : il a été pratiqué et l'est encore par des gens qui ont, par exemple, vénéré la littérature. Les références abondent : Bowie et Jean Genet, Robert Smith et Camus, Morrison et Rimbaud, John Lennon et Aldous Huxley... les parallèles sont intéressants à étudier. Un sujet parmi tant d'autres : le malentendu qui veut que "Killing an arab", le premier single des Cure, ait été considéré comme une chanson raciste, alors qu'il ne s'agit que d'une référence directe au crime accompli par Meursault... ou ce qu'il peut y avoir de rimbaldien dans les paroles du leader des Doors. Il y aurait tant à dire et à écrire.