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Le blog du touilleur
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4 mars 2011

Georges

Ainsi va la vie : un Georges va rencontrer un autre Georges. Et le temps passe... "Les herbes au vent seront tes cheveux" disait le père Corbière.

Qu'ai-je retenu de cet homme qui vient de partir ? Une sincère gentillesse. Je me rappelle ce week-end d'octobre 1988 où nous célébrions le dixième anniversaire de la mort de Jacques Brel. C'était un de ces moments où l'ennui vous tient la main, comme un hôte qu'on n'a jamais convié. J'avais emporté Le rêve de l'escalier de Buzzati, que j'avais lu sous un plafond assez bas. La chambre où je dormais était elle-même devenue un cadre fantastique invoquant des présences insoupçonnées. En bas, se jouait la comédie habituelle des relations qu'on dit cordiales. 

La dernière fois... c'était à l'automne 2009. Sa voix rocailleuse semblait attrapée. Un souffle l'empêchait. Et cet homme si plein de vie paraissait se débattre au milieu des ombres, dont la présence insultait la lumière environnante. Car c'était une journée pleine de lumière, oui. Comme l'on dit d'un jour finissant où les derniers feux vous aveuglent parce qu'ils luttent avant de céder. Les autres feux que l'on voit sont ceux qui dansent sur les pierres tombales. 

Peut-être que ce jour-là j'attendais encore ce qui ne pouvait advenir, une force qui va, qui aurait validé ma propre jeunesse quand la simple observation de sa propre déchéance suffisait à me rappeler l'évidence : je ne serais jamais plus à ses yeux un petit enfant ; à son tour, il se mirait dans mes yeux, dans ce que pouvait représenter cette vie qui peu à peu lui échappait et qu'il voyait s'animer à travers chacun de mes gestes. J'ai sans doute l'illusion de le croire, mais à quoi pouvait-il s'accrocher, lui qui pris dans un faisceau de craintes, regardait briller l'or du jour dans sa coupe de champagne ? Il me semblait que son regard se coucha, selon une pente naturelle, puisque tout nous ramène vers le bas. 

Je ne sais pas comment je lui dis aurevoir. Je ne me souviens plus du moment. Mais je me rappelle que dans son verre demeurait l'écume de ce qu'il avait bu.

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