De l'absurde
L’absurde se pare des atours de la respectabilité pour dynamiter la logique de l’intérieur : il travaille sournoisement, en profondeur. On ne l’attend pas, il surgit (j’allais écrire « et souvent il mord »). Ce rire engendre évidemment une incompréhension, voire une angoisse chez ceux qui sont obsédés par la logique… et enchante les autres (si je schématise). L’humour absurde me semble intemporel en ce qu’il suscite des réflexions véritablement ontologiques (par rapport à d’autres formes comiques qui « vieillissent »). Ainsi, Ionesco pose la question du langage dans La cantatrice chauve.
De plus, je trouve que le décalage entre la forme (sérieuse) et le fond (insensé), immanent à l’absurde, permet d’échapper à des situations attendues ou induites par une forme de comique « bourgeois », où les typologies des personnages sont solidaires des événements qu’ils vivent : par exemple, on sait que le méchant d’une comédie au cinéma sera souvent ridiculisé, parce que la morale l’exige. Même constat chez Molière. L’adéquation suscite un rire de confort, qui valide nos certitudes. L’absurde n’est pas là pour nous réconforter. Il questionne, secoue, stimule.
Alors oui, si on y est sensible, le rire s’ébroue, mais la pensée suit aussitôt. Enfin, si l’absurde paraît élégant, c’est justement parce que ce rire ne s’affiche pas, qu’il ne clignote pas de mille feux. On peut, je pense, l’appliquer au cinéma, à la littérature : en vrac, Ionesco, Dubillard, OSS 117, Buffet froid… Encore une fois, l’absurde nous laisse la possibilité d’exister.