La dernière ballade de John et Yoko
Fondus en un syntagme musical, John et Yoko se partagent les chansons de Double Fantasy, album du retour aux affaires. Pourtant, si les compositions se répondent selon un dialogue amoureux, chacun annexe son territoire de prédilection. John demeure fidèle au rock, convoque des fantômes tutélaires sur « Starting over » -Elvis en tête-. Totalement sourds aux révolutions punks/new wave, les autres morceaux attestent des capacités intactes de leur auteur. « I'm losing you », aussi âpre que « Cold Turkey », chante l'isolement sentimental, « Woman », onctueuse sucrerie mélodique, se revendique comme un hommage à l' « autre moitié du ciel », paraît surtout la version mature du célèbre « Girl » des Beatles. Le reste pâlit à l'ombre de ces fulgurances créatrices, mais « Beautiful boy » ou « Watching the wheels » méritent assurément un accessit. De son côté, Yoko choisit la pulsation new-wave, sans renier ce qui a forgé sa (sulfureuse) réputation : des inflexions vocales, qui culminent en orgasme sur « Kiss kiss kiss », se font plus caressantes sur « I'm your angel » ou privilégient l'émotion dans « Beautiful boys ». Incarnation de la Mère Supérieure, tantôt cajolante, tantôt sévère, miss Ono s'ancre dans une modernité audacieuse, bientôt confirmée par l'excellent « Walking on thin ice ».
Le destin a figé Double Fantasy en testament. Trois décennies plus tard, il convient d'accueillir cet album pour ce qu'il est : le témoignage d'un duo artistique en perpétuelle recherche.