Philippe Muray
Partageant avec un certain nombre de pamphlétaires une véritable haine du présent, Philippe Muray est en passe de devenir une nouvelle coqueluche intellectuelle, sorte d'étendard à corbeaux lugubres ou de refuge commode pour grincheux désenchantés. Il faut dire qu'il y a mis le paquet et ce paquet est serti de guirlandes stylistiques, dans la plus pure des traditions françaises, celle qui de Léon Bloy à Pierre Desproges ne conçoit pas l'objet pamphlétaire dans un écrin modeste. Faisant assaut de métaphores vengeresses et d'énumérations chargées jusqu'à la gueule, Muray se déchaîne contre l'hyperfestivité de notre temps, la dilution des différences, la judiciarisation extrême voulue, réclamée par Homo Festivus, cet individu de la post-Histoire qui ne tolère pas la différence, communie dans de grandes parades urbaines, n'admet pas que des mauvais coucheurs interrompe la fête. Il y a chez Muray une posture, une seule, qui consiste à torpiller la cible, en l'appréhendant sous différents angles. Mais, bien sûr, comme chez quasiment tous les pamphlétaires, aucun recours n'est envisagé : la charge demeure aussi tautologique et obsessionnelle que l'immanence de l'élan festif dont Muray se désole : "Je critique, parce qu'il faut critiquer l'homme qui s'amuse parce qu'il veut s'amuser". L'auteur oppose la majorité qui impose son goût à la minorité qui subirait, alors que les deux ont leur place, même si je concède que l'individu ne doit pas se dissoudre dans la communauté, sous prétexte que la communauté aurait -soi-disant- toujours raison.