Ayrton Senna
Le 1er mai 1994, j'ai cessé de m'intéresser à la Formule 1. La mort d'Ayrton Senna m'a fait éteindre la télévision, puisqu'au-delà du drame il n'y aurait plus jamais de duel. Schumacher demeurait seul devant un boulevard pour battre tous les records possibles. Il ne manqua pas de le faire. Sa morgue fit le reste et rendit un grand nombre de commentateurs indifférents. Avec Schumacher, on ressentit le même ennui qu'avec Lance Armstrong, Steffi Graf ou d'autres sportifs dominateurs . "A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire", disait l'autre. Schumacher avait beau faire tomber les scores les uns après les autres, on s'en foutait totalement.
On ne peut pas reprocher au pilote allemand d'avoir été le seul surdoué de sa génération et on peut inventer toutes les uchronies du monde, imaginer ce qui serait advenu s'il n'y avait pas eu Imola. A l'époque, je pensais que Senna battrait le record de victoires d'Alain Prost. La Williams-Renault paraissait si forte. Le début de saison avait certes été difficile pour le brésilien, mais je ne doutais pas qu'il se ressaisirait. Et puis le destin a fait le reste. Aujourd'hui que tout est lissé par cette mort tragique, il faut revenir à ce que représentait Senna : un mélange de fougue, de panache, de mysticisme, d'inconscience, auxquels s'opposaient la rationalité, la prudence, la tactique de Prost, lorsque ces deux-là s'affrontaient.
Si j'étais allemand, je soutiendrais certainement Vettel. Peut-être que si un nouveau Prost s'imposait, je regarderais à nouveau ce sport. Mais il faudrait aussi un Senna. Un nouveau Senna.