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Le blog du touilleur
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7 juillet 2011

La promesse ou Ca dégouline sous les estrades -7-

« Pourquoi tu ne me fais plus l’amour ? »

La question avait claqué comme un fouet, dans le silence de leur chambre où les lumières tamisées indiquaient elles-mêmes que leur relation ne brillait plus de mille feux. Armande posa son livre sur la couverture du lit. Son mari lui tournait le dos dans une position qu’elle jugeait prostrée.

« Hein, pourquoi ? »

Il y avait dans cette insistance quelque chose de profondément déchirant. Ces deux phrases validaient des mois et des mois de frustration, de non-dits. Elle avait redouté ce moment, mais à présent que son mari lui demandait la vérité, elle se sentait soulagée. Ils allaient enfin pouvoir parler. Et peut-être qu’il y aurait une issue heureuse à tout cela. Car si Armande rêvait depuis longtemps à un ailleurs, elle éprouvait pour son époux une tendresse qui était aussi de la gratitude. Il s’était enferré dans une vie qu’elle jugeait plate, cérémonieusement organisée autour de son travail, de ses parties de bridge et de la pêche à la mouche dans son étang favori. Ce n’était pas ce qu’elle avait imaginé, ce qu’il lui avait promis, lorsque leurs jeunes années les rendaient princes de la vie et du monde. Mais il lui avait aussi apporté une sérénité qui lui avait permis de mener ses études à bien, quand sa famille regardait d’un mauvais œil cette jeune femme qu’ils avaient destinée à reprendre leur épicerie.

Elle demeura silencieuse quelques instants, modulant un discret toussotement qui lui faisait gagner quelques secondes. Il ne s’était toujours pas retourné, mais elle entendait sa respiration, presque haletante, qui soulevait ses épaules et la masse de ses cheveux grisonnants. Elle se blottit contre lui sans une parole. Il allait pleurer pour la première fois. C’était suffisamment rare pour qu’elle ne mesure pas en cet instant précis la gravité de la situation. Elle respirait plus fort à son tour. Son corps sentait l’imminence d’un aveu qui lui coûtait, qui déchaînerait sans doute la tempête et anéantirait tout ce qui avait précédé. Elle pensait aux enfants. Il ne fallait pas qu’ils sachent. Il fallait les préserver à tout prix.

« Marc… je… je crois que je ne suis plus amoureuse. »

Il soupira et son corps parut fut agité d’un spasme.

« C’est terrible. Je m’en doutais. Cela fait des mois que tu n’as que des élans de tendresse. On dirait que je ne suis qu’un ami.

- Tu es bien plus que cela et tu le sais. Tu es et tu resteras l’homme de ma vie. »

Cette dernière phrase lui avait échappé. C’était un terrible lapsus qui anticipait ses désirs, à l’orée d’une conversation qui n’était pas jouée, a priori. Il le reçut comme un terrible camouflet et s’éloigna d’elle. Elle en fut mortifiée, s’en voulut et compensa cette terrible maladresse par un long baiser dans le cou qui ne rattrapa rien.

Et il éteignit la lumière.

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