George Dandin

Il est étonnant et sans doute caractéristique que George Dandin ne soit pas la pièce la plus connue du répertoire de Molière. D'abord parce que la majorité des oeuvres de Poquelin sont construites sur le même schéma : des amours contrariées finissent par triompher du méchant barbon.. alors qu'ici, le texte débute après le mariage . Ensuite, car ce texte en trois actes ne se départit jamais d'une noirceur qui intrigue puis accable, jusqu'à susciter l'empathie du lecteur pour "le mari confondu". On plaint Dandin d'être maltraité par ses beaux-parents, on se désole que dès le monologue initial il fasse état du naufrage qu'est sa vie conjugale. Et pourtant, il n'y a rien qui puisse attacher à ce bourgeois parvenu, méprisé par la noblesse : suspicieux, égoïste, dominateur, il conjugue tous les défauts.

Cependant, il s'avère que le complot subodoré existe dans les faits et que le "running gag" consistant à ridiculiser le gendre en présence de ses beaux-parents, n'arrache qu'un sourire de tristesse.  Il s'en faudrait d'un cheveu qu'on ne bascule dans la tragédie. Angélique manque d'être châtiée pour son infidélité. Et quand à la fin de ce jeu de massacre, Dandin envisage de se jeter à l'eau, il n'y a plus la distance qui, d'ordinaire, motive le mépris du spectateur pour celui qui déchaîne les malheurs. George Dandin est la pièce où le Malheur lui-même constitue le personnage principal. Appelons un chat un chat : c'est bien ici de fatalité dont il s'agit.