C'est joli...

Si la poésie, ça n'est pas que des vers, des rimes et des strophes, c'est quoi ? Remettre en cause les représentations traditionnelles. "C'est joli" me répond spontanément une élève de troisième. Oui, c'est sans doute cela et naïvement validé, doit-je reconnaître. Est-ce que cela veut dire que la poésie aurait le monopole du langage ? Madame Bovary a fait l'objet d'un travail si soigneux qu'on peut qualifier le roman de "poétique", à défaut de "poème". Il est dommage que le contenu même de ce qui est écrit empêche certaines oeuvres de recevoir cette ultime appellation. Sous prétexte que je raconte une histoire en prose, je ne fais pas de la poésie : d'une part, parce que c'est la prose et surtout parce que je narre. On refuse à tout ce qui est narratif le titre de poétique et on accorde un lot de consolation à toutes les descriptions qui parsèment  les plus beaux romans ou les plus belles nouvelles. Dès qu'on quitte la transitivité, dès qu'on ne s'adresse plus à quelqu'un en particulier pour lui raconter quelque chose, on devient poétique, sous prétexte qu'on produit un morceau de texte qui pourrait s'extraire et figurer... je ne sais pas, sur une pancarte, un dépliant touristique, en guise de lettre adressée à une femme aimée. La forme au service d'un sujet ne peut prétendre au couronnement poétique, mais celle-ci qu'on cultive pour elle-même, celle qui prime sur le sens... celle-là acquiert un autre statut. Et même la poésie narrative n'échappe pas à cette loi... le Hugo de La Légende des Siècles est beaucoup plus un sorcier de l'écriture qu'un conteur traditionnel.

Comments

[imerege]

Tout à fait d'accord avec ça.

[Rrose Sélavy]

Le but ultime de la littérature : par un tour de passe passe, toujours recommencé mais jamais véritablement deviné, nous conter ce qui est ou ce qui devient poétique, "héler l'invisible" et "parler à l'âme en secret"...