René Fallet
René Fallet aurait pu être un des meilleurs écrivains de sa génération. Mais le vélo, les femmes et Brassens l'ont empêché d'occuper cette place. L'écriture coulait en lui comme un fleuve naturel, irrigué par deux veines : whisky et beaujolais. Fallet ne s'en cachait pas : le coude qu'il aimait lever lui permettait d'étreindre des chopines ou des donzelles qui lui laissaient la gueule de travers. Pour se consoler, il arpentait les rues de Paris ou les boucles de la Besbre avec ses copains, puis s'arrêtait chez "L'Aimée", où il en racontait une bien bonne, généralement salace. De sa bonne vieille voix de fût de tonneau, l'Interallié 64 gourmandait les mêmes badernes que son colon Brassens, les deux se partageant le meilleur des gâteaux : au Sétois la chanson, à Fallet la littérature. Ils s'y esbaudirent avec une verve qui était leur bac à sable, distribuant des coups de pelle à tous ceux qui avaient le malheur d'être un peu cons. Quand le crabe vint chercher le premier, le second s'en découvrit un de dessous les fagots. Il survécut un an et demi, perdant tous ces cheveux, puis arborant un occiput avec "des paquerettes de cimetière". Fallet s'éteignit en juillet 1983, juste après ce Tour de France qu'il avait tant aimé et qui vit, cette année-là, un autre binoclard faire la nique à tout le monde.