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Le blog du touilleur
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30 août 2009

Magical Mystery Tour

magical_mystery_tourQuelques mois après avoir époustouflé le monde avec Sergeant Pepper, les Beatles travaillent sur un nouveau projet. Nous sommes alors en pleine époque psychédélique : Pink Floyd vient de sortir un album somptueux  The piper at the gate of dawn, le summer of love a marqué l'avènement du mouvement hippie, et les Beatles se sont convertis au Flower Power, dont un des hymnes composés par John, « All you need is love », résonne encore...

Et puis il y a le Maharishi, cet étrange gourou que les Fab Four vont rencontrer à plusieurs reprises. En août 1967, tout semble réussir aux petits gars de Liverpool… sauf que Brian Epstein, le manager du groupe, ne va pas bien : depuis la fin des gigantesques tournées Beatles, en août 1966, il semble désoeuvré, perdu. C'est lui qui avait façonné l'image du quartette, et maintenant que celui-ci a décidé de se consacrer au travail en studio, Epstein se sent totalement inutile. Déprimé, il s'isole et plonge dans les affres de la drogue. On le retrouvera mort chez lui, et son décès va plonger nos quatre garçons dans l'affliction la plus profonde.

Car la seule chose que les Beatles ont jamais su faire, c'est de la musique. Ce ne sont ni des financiers, ni des publicitaires, et la gestion désastreuse de leur patrimoine aura par la suite des conséquences sur la vie même du groupe. Mais en cette année 1967, nous n'en sommes pas encore là. Il faut se remettre à composer, trouver une « suite » à l'aventure.

Paul McCartney, qui s'est imposé comme un leader pendant l'enregistrement de Sergeant Pepper, propose une idée à la fois drôle et saugrenue : il imagine une promenade en bus, où les Beatles se retrouvent passagers parmi une foule hétérogène, le voyage réservant son lot de surprises, tout aussi surréalistes les unes que les autres. Un film est donc tourné, rapidement, hâtivement devrait-on dire, et pour la première fois de leur carrière, les Fab Four essuient un échec critique, car ce que l'on découvre en décembre 1967, sur les écrans, n'est qu'un brouillon sympathique, certainement pas un long-métrage abouti (certains diront que la BBC avait eu la mauvaise idée de le projeter en noir et blanc). "We boobed", dira Paul ("On s'est plantés").

Quoi qu'il en soit, les idées semblent avoir été collées les unes derrière les autres, sans ordre défini. Peut-être était-ce là une volonté collective, le désir d'expérimenter à travers la caméra. McCartney pourra s'enorgueillir bien des années après, d'avoir diverti de jeunes cinéastes en devenir tels que Spielberg. Mais le vilain commettra de nouveau l'impair en solo avec le désastreux Give my regards to Broadway Street. Hauts-de-forme et queue de pie en avant, Ringo Starr témoin du désastre.

En 1967 et après, ce que l'on retient de Magical Mystery Tour, ce sont avant tout les chansons. De ce côté-là, pas de baisse de régime.

Ca commence en fanfare (comme dans Sergeant Pepper), avec « Magical Mystery Tour », un morceau bondissant composé par Paul, qui nous invite à monter à bord du bus, pour le grand voyage. Les Beatles reprennent là le concept du « Sergent Poivre », où l'auditeur était déjà invité au spectacle. Les harmonies vocales sont superbes, de même que la voix de Macca. Mais on sent que la formule a déjà servi, et finalement le groupe s'auto-plagie dans une pop joyeuse et périssable. D'autant plus que les bruits d'agrément (ici le moteur de bus) n'évoquent que trop le premier morceau de Pepper.

L'atmosphère se radoucit avec « The fool on the hill », un morceau aux paroles mystérieuses, évoquant un homme seul, sur une colline, et que personne ne comprend. Là encore, cette chanson montre toute l'étendue du talent de Paul, et personne n'oubliera le solo de flûte. On est libre de trouver ça insupportable, mais on se souviendra que « The fool » était accompagné d'un clip, où Paul prenait lui-même de la hauteur dans les environs de Nice. Incognito, bien sûr. Comme dans beaucoup de chansons des Beatles, les interprétations sont multiples, et ce morceau est une pièce de choix pour les exégètes du rock'n'roll.

La troisième piste de ce CD est, soyons francs, une vraie nullité : sans doute le pire morceau jamais composé par les Beatles… et pour une fois, signé collectivement ! Ca se veut psychédélique, atmosphérique, c'est simplement lourd et redondant, terne, sans imagination. « Flying », pour ceux que le morceau intéresse, accompagne une séquence tout aussi ennuyeuse du film, où un travelling nous dévoile un paysage de glace tantôt rouge, bleu, vert… Nul doute que Brian Wilson aura souri en entendant cet instrumental, car l'influence des expérimentations sonores de Pet Sounds paraît évidente. Mais où était le génie des Beach Boys, à cette époque ? Certainement, dans le puzzle infernal d'un Smile trop longtemps repoussé...

« Blue Jay Way », le morceau suivant est un peu meilleur, mais montre tout de même que George Harrison est un ton en-dessous, par rapport à Lennon et McCartney. Certes, l'ambiance de cette chanson est brumeuse, ténébreuse au possible, et la voix du « Quiet One » habilement trafiquée, mais la mélodie se traîne tout de même, et l'on a hâte se passer à la piste suivante. George fera bien mieux sur le « Double Blanc » et « Abbey Road ».

« Your mother should know » réveille l'auditoire ! Cette composition -du pur McCartney- est le genre de truc qui ne vous lâche pas du matin jusqu'au soir, qu'on fredonne en prenant sa voiture, ou en postant du courrier… Construite au piano, elle est la quintessence même d'une pop simple, accessible, sans les afféteries du psychédélisme. Il est intéressant de la confronter à la structure beaucoup plus sinueuse de « I am the walrus ». Les deux personnalités sont là : Paul dans l'efficacité mélodique, John dans la recherche sonore (même si ce schéma ne vaut pas, évidemment, pour l'ensemble de la carrière des Beatles… Paul a aussi beaucoup expérimenté ! Au fait quand sortira "Carnival of light" ?).

La chanson suivante est le "genre de truc qu'on écoutera encore dans mille ans", dixit son auteur: « I am the walrus », donc. Un des chefs-d'œuvre de John Lennon, dont la présence beaucoup plus en pointillés à partir de 1967, s'accompagna de brusques réveils artistiques, sans doute dicté par l'orgueil de ne pas se laisser distancer par Paul. Que n'a-t-on dit sur cette chanson, volontairement sybilline ? Lennon voulait clouer le bec aux commentateurs qui disséquaient toutes les paroles des Beatles, et informa son ami d'enfance Pete Shotton de son intention de brouiller les pistes avec ce nouveau morceau ("On va voir ce que ces connards vont trouver à celle-là"). « Lucy in the sky with diamonds » avait beaucoup fait jaser… Lennon en rajoute une couche avec « Walrus », citant Edgar Poe, glosant sur des « pingouins élémentaires chantant Hare Krishna ». Difficile de faire plus filandreux. D'autant plus que la musique est à l'avenant, superbement soutenue par l'orchestration classique de George Martin, et s'achevant en chaos intégral, avec des extraits d'une pièce de Shakespeare. Lennon à son zénith artistique.

Difficile, après cela, d'accepter la simplicité de « Hello Goodbye ». C'est pourtant l'une des chansons-mantras les plus célèbres des Beatles, et un superbe outil pédagogique pour faire aimer l'anglais aux élèves : « Tu dis « oui », je dis « non », tu dis « Pourquoi ? », je dis « Je ne sais pas ». Tout cela ne vole pas très haut, et certains diront que décidément, non, Paul n'a jamais été un grand parolier. Mais les chansons universelles ne sont-elles pas les plus simples ? Après tout, « Give peace a chance » est surtout connu pour son refrain en une phrase, et à ce que je sache, c'est bien Lennon qui l'a écrite. Encore une fois, de superbes harmonies vocales font de « Hello Goodbye » un moment qu'il serait malséant de bouder.

La piste qui suit nous expédie quelques mois en arrière, en novembre 1966, lorsque les Beatles, lassés des tournées, ont décidé de se consacrer au studio. « Strawberry Fields forever » est le premier morceau d'une nouvelle « ère », une superbe chanson signée Lennon, qui évoque un lieu cher à son enfance (il s'agissait du nom d'un parc que John fréquentait, lorsqu'il était gosse). La chanson est le résultat d'un collage de deux morceaux, qui s'achève par une sorte de fanfare, préfigurant l'enregistrement à venir de Sergeant Pepper.
Les détracteurs des Fab Four diront aussi que ce fut leur premier single à ne pas être numéro 1. Peu importe, de toute façon, le groupe n'avait plus forcément envie de l'être. A l'automne 66, Paul et John enfantèrent des jumeaux.

The other song is « Penny Lane », bien sûr ! Toujours la nostalgie, mais cette fois-ci, signée Paul. Qui ne se rappelle pas le célèbre solo de trompette au milieu de la chanson ? McCartney signe là une chanson magnifique, qui privilégie un point de vue intime. Preuve s'il en est, et contrairement à ce qu'a pu dire John, que notre célèbre gaucher sait aussi écrire à la première personne. Au détour de ce grand voyage au cœur de la géographie « liverpoolienne », on croise un barbier, une nurse, et d'autres figures qui nous sont tout de suite familières, d'autant plus qu'elles sont évoquées avec humour et affection. Pour information, le célèbre solo a été inspiré à Paul par l'écoute du Concerto Brandebourgeois  de Bach.

A côté de cette chanson, « Baby you're a rich man » fait pâle figure, un peu comme « Good Morning » vis-à-vis de « A day in the life ». C'est du Lennon tout ce qu'il y a de plus mineur, avec un refrain poussif consacré au « Beautiful people » (les Beatles eux-même d'ailleurs et Brian Epstein). Passons au dessert.

Car en guise de conclusion, on trouve l'étendard du « Flower Power » : « All you need is Love », un hymne composé par John, pour la première émission en Mondiovision de 1967. On se rappelle tous Lennon en chemise à fleurs, interprétant faussement décontracté, chewing-gum à la bouche, ce très célèbre morceau, accompagné par ses comparses. C'est sans doute curieux, mais j'ai toujours trouvé que cette chanson était triste, alors qu'elle ne fait que prôner l'amour universel. Peut-être sont-ce les harmonies vocales, que je trouve un peu trop « lacrymales »… « There's nothing you can do that can't be done » nous disait John en 1967. Quarante ans après, le message est toujours d'actualité, et invitait déjà chacun à être le maître de son propre destin (en tout cas, c'est comme cela que j'interprète cette phrase, et elle demeure logique par rapport à ce que Lennon disait en 1980, en gros, « n'attendez pas que les autres fassent quelques chose à votre place, fuyez les gourous »). Détail amusant, bien connu dans la galaxie des fans : la fin de la chanson s'achève par un medley, où l'on peut entendre notamment « She loves you », entonné par un Paul hilare…

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