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Le blog du touilleur
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4 juillet 2009

Borat (2006)

borat_20    C'est plutôt réchauffé, mais je n'avais pas aimé quand c'était sorti...je le mets en ligne.

    L’hystérie collective qui s’est emparée de la critique (à une exception notable près)  a de quoi inquiéter. Mais Sacha Baron Cohen pourra s’en féliciter lui qui, vampirisé par sa créature, plastronnait il y a quelques jours en conférence de presse devant des journalistes goguenards, avant de distiller ses blagues sur le plateau de Cauet. Certes, on ne s’étonnera pas qu’une presse de cinéma dite « populaire » se satisfasse des facéties d’un reporter incapable. Après tout, les potacheries ont leurs adeptes, et l’honnêteté consiste à admettre qu’on fait partie du nombre. Mais que les mêmes qui, à d’autres moments, méprisent Michaël Youn et l’humour trash de Jackass, adoubent sans vergogne les pitreries scatophiles de Borat, atteste d’une schizophrénie d’autant plus amusante qu’elle n’est pas assumée. Les nouveaux beaufs de gauche sont ainsi faits, et s’ils se sentent parfois tenus d’opérer une mise au point au début de leur propos, c’est qu’ils savent bien que leur terrain de prédilection n’est pas celui de la gaudriole. Alors, ils s’inventent de futiles « paratonnerres », comme des maris infidèles pris en faute dans un boudoir.
    Et comme il s’agit de légitimer la connerie, on pare le geai des plumes du paon, et l’on convoque Montesquieu ou le huron voltairien, de bonne compagnie. Et voilà que Borat devient, dans un syncrétisme douteux, la rencontre des Lettres Persanes et de MTV (si, si, on l’a lu). Or, tout se vaut naturellement. L’auteur de L’esprit des Lois, et une chaîne commerciale américaine.

    Il est urgent de clouer le bec à cet égalitarisme culturel qui fait florès chez les bobos, et dont la vitalité s’exhibe dans le name-dropping cher à Delerm. La vérité, c’est que Borat s’annonce comme l’enfant légitime de Groland et de Michaël Moore, emprunte au premier son goût de la provocation gratuite, et à l’autre son aspect docu-fiction, « caméra sur l’épaule ». De là cette monomanie lassante dans la surenchère, le but étant de choquer le bourgeois à n’importe quel prix. L’entreprise se réduit à cette vaine gesticulation, puisque le récit s’enlise rapidement dans un road-movie interminable, qui arpente les chemins convenus de la dénonciation anti-américaine : l’initiation dans une communauté d’évangélistes illuminés, le rodéo chez les cow-boys fachos du middle-west, jusqu’à la rencontre avec Pamela Anderson, dont on se fout royalement, cerise confite de ce gâteau indigeste.

    A qui Borat apprendra-t-il que ces Américains-là existent, qu’ils ont été mille fois vitupérés, mais qu’au pays du dollar et de la frime, on peut aussi rendre visite aux altermondialistes, à ceux qui réclament l’abolition de la peine de mort, aux féministes non sectaires, aux mouvements de défense des noirs… bref à toutes ces forces vives qui rendent caduques les points de vue simplistes et définitifs, qui renvoient à sa propre bêtise celui qui voit le monde par le petit bout de la lorgnette ? Malhonnête de bout en bout, le film sillonne des chemins balisés par les préjugés, sans oser la tangente. Réduire le prisme américain à ses couleurs les plus primaires, c’est assurément prendre un parti qui empêchera de penser la complexité de cette société, mais arrangera ceux à qui le film est destiné, puisque il ne s’agit surtout pas de bousculer les idées reçues. Et à qui enfin fera-t-on croire que la subversion consiste à filmer un 69 entre deux corps balourds pendant d’interminables minutes,  quand la provocation s’enivre de sa propre outrance, qu’elle refuse toute mise à distance, pour laisser le soin au spectateur de réfléchir et de comprendre ? Si la Révolution pour Borat consiste à courir tout nu dans un dîner de VIP, c’est que le personnage n’a rien compris à 1789 et qu’il a pris « sans-culottes » au pied de la lettre. Et qu’on ne me fasse pas croire que la nouveauté consiste ici à exhiber des anatomies imparfaites. A ce que je sache, Borat n’est pas un film d’amour.

    Il ne s’agit pas bien sûr de discuter ce que l’oeuvre condamne (l’antisémitisme et toutes les formes d’intolérance), mais de déplorer une nouvelle fois la méthode, déjà en cause chez Michaël Moore, où l’excès tient lieu d’argumentaire. Contre l’obscurantisme, il nous faut bien plus que du sexe, des sacs de merde ou des blagues de fin de banquet, dont l’hydre  se nourrit volontiers. Surfer sur l’air du temps n’est pas faire acte politique, mais rentabiliser commercialement et cyniquement une stratégie qui a fait ses preuves.

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Commentaires
E
Personnellement, j'ai bcp apprécié cette comédie: ça m'a un peu rappelé la série vulgaire South Park. <br /> Après, il est vrai que ce genre d'humour reste limité. Je n'ai pas vu Brüno mais j'ai lu pas mal de critiques qui soulignaient les limites de l'entreprise.
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